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Le luganighe

Ce post, je le dédie décidément à Tristan qui doit toujours et encore venir manger chez moi. Et pas n’importe quoi (quoique je n’apprête jamais du n’importe quoi mais que du bon): ça fait maintenant quelques années qu’il souhaite goûter à un risotto milanaise avec des luganighe, une spécialité tessinoise.

De passage dans mon beau canton natal, à Maggia, j’ai profité pour faire un saut chez un des bouchers que j’aime le plus: Livio Guerra de Moghegno (tél. 091 753 11 22, fax, 091 753 11 25, il livre par poste!! donnez-lui mes amitiés). C’est un boucher à l’ancienne (40 ans dans le métier!). Avec une belle bouille telle que doit l’avoir un boucher: ronde et rose.

Il apprête quelques spécialités locales plutôt rares (violon de chèvre, toute sorte de chasse, qui est son hobby), mais surtout la charcuterie : cottechini, mortadella (aussi avec du foie), saucisse à rôtir, …, salami, salamini (à côté du cochon, les variantes, sanglier, cerf, chamois) et, justement, les luganighe .

Au fait, c’est une des mille façon d’apprêter le cochon, et la préparation n’est pas trop longue, on pourrait même oser la version maison, moyennant quelques outils spécifiques.

Il faut environ 70% de viande de porc maigre, 20% de lard de ventre, 10% de lard blanc et encore un peu de couenne (pour la bonté).

On fait passer cette viande dans un hache viande (l’allemand appelle ça un Fleichwolf) avec des mailles larges (8-9 mm).

A cette masse de chaire, on ajoute un mélange de sel (3%?), poivre et autres épices (à l’odeur, j’aurais dit du genièvre, de la cannelle, de la muscade et du girofle, mais je n’ai pas pu lui faire dire le détail du secret (défense) de la composition). Finalement, on complète avec du vin chaud aromatisé (là, par contre, j’ai calé).

On mélange soigneusement, en passant entre les mains, mais sans compresser, d’un côté à l’autre de la bassine.

Pendant ce temps, on rehydrate des intestins de porc, qu’on achète aujourd’hui conservé sous sel. On les rince également à l’intérieur en passant de l’eau (c’est assez étonnant d’imaginer qu’on a la même chose sous le capot).

On charge la machine à saucisse (une sorte de grosse seringue).

Sur l’embout idoine (il est dépendant du type d’intestin qu’on utilise) on enfile l’intestin et on procède au remplissage. La machine en question était professionnelle (évidemment). Livio Guerra raconte, qu’il y a encore quelques années, il en produisait 300 kg! par semaine (donc, sans compter les autres spécialités).

En actionnant la pédale qui fait avancer le piston, il raconte encore que, dans le temps, quand il a commencé son commerce (1974), le village comptait 130 vaches (aujourd’hui : 0) et toutes les familles avaient au moins un cochon qui était sacrifié durant de quatrième trimestre (avec le boucher qui officie à chaque fois) pour en faire la réserve de l’hiver. Elle en a vu passer de la viande, cette machine!!!

Arrive la ligature, avec un fil naturel (chanvre) enroulé sur un morceau de bois.  Mais pas avant d’avoir percé avec un petit outil rempli de pointes l’intestin, ce qui permet à l’air de s’échapper.

On commence avec une boucle de 10 cm et une série de noeuds en début d’intestin. On poursuit en comprimant entre les doigts la chaire et en refaisant un noeud. On presse la chaire pour laisser un espace entre deux saucisses et on refait un noeud en début de la prochaine saucisse et ainsi de suite. Livio Guerra fait des chapelets de cinq luganighe, question qu’on puisse bien les suspendre dans la chambre froide.

En fin d’opération, les luganighe sont suspendues pendant quelques heures pour qu’elles puissent perdre d’éventuels liquides superflus. Elles seront à la disposition des clients pendant une semaine avant que Livio recommence l’opération.

Moi, je n’ai pas attendu, j’en ai acheté 8 pour le souper deux jours plus tard (il faut que le sel et les épices pénètrent bien dans la viande avant de les consommer).

Deux manières d’apprêter les luganighe: en eau (80º) pendant 20 minutes (le temps de cuire le risotto) ou alors, la version estivale, sur un feu de bois, au gril, coupé longitudinalement en deux (on a mangé ça l’autre soir, che buono).

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