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La solution hydroalcoolique préconisée par l’OMS est-ce de la cuisine?

On vit en ce début de 2020, une année qui s’annonce très compliquée (c’est un euphémisme). On est en plein crise de la pandémie du SRAS-CoV-2 ou autre coronavirus. Une pandémie qui touche le globe dans son entier et qui ne pardonne guerre la population de nos ainés (dont je fais partie?). 

En cette deuxième journée de printemps, nous sommes sommé de rester confinés dans nos domiciles (avec des variantes entre la France, l’Italie – qui sont plus autoritaires – et la Suisse, qui fait appel au sens civique). 

Reste, les recommandations sont simples et, somme toute, faciles à suivre : isolation, distance sociale si en public, hygiène (surtout au niveau des mains). 

Et là, ça devient interessant. Le bon vieux savon de Marseille, est un excellent médium pour aseptiser la surface des mains (ne pas oublier les pouces, la pointe des doigts et l’espace entre les doigts, frotter au moins pendant 20 secondes). Le mieux, est une solution à base d’éthanol (l’alcool que l’on consomme dans nos bières, vins et autres spiritueux) qui tire au moins 65°, mieux 75-80. 

Mais, si en France et en Italie, il est possible d’acheter de l’éthanol à 96°, en Suisse ceci n’est pas possible. Et, avec la crise du Coronavirus en plein cours, la solution hydroalcoolique est devenue une denrée rare. Au point, qu’en pharmacie, à Lugano, il ont proposé 50ml au cout de 12.50 CHF, soit, si rapporté au litre d’éthanol a près de 300 CHF.

Il ne faut pas se laisser abattre :  il n’y a pas de problèmes dans la vie seulement des solutions. La mienne est la suivante. J’ai acheté il y a déjà bien longtemps (je parle de >30ans) un petit alambic, certes fonctionnel, mais qui ne permet pas vraiment une production en volume : la chaudière a une capacité d’un litre. 

J’ai donc acheté une bouteille de Vodka, la plus bonne marché possible, avec l’idée de la sacrifier, et d’en tirer par distillation l’éthanol contenu (37.5%). L’idée est d’utiliser cet éthanol pour en faire de la solution hydroalcoolique d’après la « recette » proposée par l’OMS.

À côté de l’éthanol concentré à plus de 80°, il faut, d’après cette recette, du glycérol à 98% et de l’eau oxygénée (peroxyde d’hydrogène, H2O2) à 3% et de l’eau bouillie. 

Une manière comme une autre pour produire de la solution hydroalcoolique
distillation 1 litre de Vodka : 2 h ; Assemblage : 30 minutes

1 litre de Wodka à 37.5% 
du glycérol à 98%
de l’eau oxygénée à 3%
de l’eau filtrée

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Première étape, la distillation : je ne veux pas donner un cours de ce qu’est la distillation. En très simple, il s’agit de tirer profit du fait que divers produits ont un point d’ébullition different, qu’ils passent donc de la phase liquide à la phase gazeuse à des moment différents.

Le mélange de liquides est chauffé dans une chaudière. En fonction de la température dans le chaudron, les divers produits passent à l’état gazeux. Ces gaz sont emprisonnés sous un chapiteau (qui ferme hermétiquement au dessus du chaudron). Le gaz ainsi confiné dans un espace fini augmente la pression (les atomes agités n’ont d’alternative que de se rapprocher pour faire place à ceux qui viennent de passer à l’état gazeux tout en s’agitant encore plus). Il ne reste dès lors au gaz qu’une direction qu’il peut emprunter, soit via le col du cygne et la serpentine, vers la sortie. La serpentine baigne dans un liquide froid ce qui a pour conséquence de condenser le gaz (le rendre à nouveau liquide).

A la sortie du serpentin, on collecte par fractions le liquide. On peut maintenant mesurer la concentration en alcool avec le dispositif appelé « alcoomètre ».

Partant d’un alcool de bouche, on ne dois pas s’occuper des fractions de tête (qu’on élimine dans une distillation d’un mélange fermenté). On a tout de suite de l’alcool à 80°. Un calcul rapide et approximatif nous permet de limiter la capture de la fraction alcoolique à environ 400-420ml (37.5%). Le reste sont les queues que l’on peut écarter.

Si je décrits l’alambic monté, on en reconnait les divers éléments : le corps, le chapiteau, le col de cygne et le serpentin (caché dans le conteneur de l’eau). J’y ai enfoncé la douche de l’évier de cuisine. L’échappatoire du trop plein je l’ai prolongé avec un tuyau plastique. La sortie du serpentin est également rallongé avec un tuyau plastique. En dessous, j’y ai placé un cylindre gradué dans lequel j’ai posé l’alcoomètre. Sous la chaudière, j’ai placé le réchaud à fondue.

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Après avoir dit au revoir à ma vodka, j’ai scellé l’alambic, rempli le condenseur avec de l’eau (elle ne doit pas couler en continuation, je l’ai remplacé 5-6 fois durant toute la durée de la distillation) et allumé le réchaud à alcool. 

Il s’agit d’avoir de la patience, mais dès que la température à l’intérieur du chapiteau atteint les 78°C, la magie commence. 

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Un filet d’alcool sort du condenseur!

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Après une bonne demie heure, on arrive à env. 200 ml (qui est le volume contenu dans le cylindre). Comme prévu, l’alcool tire à 80°.

Après avoir sauvé cette première fraction dans un bocal, on continue le processus. On plonge régulièrement son doit dans l’eau du condensateur. Elle doit être à une température juste supportable au toucher en surface. Si elle devient trop chaude pour y maintenir un doigt, c’est l’heure de laisser rentrer de l’eau froide par la douche de l’évier qui est au fond du condenseur. Il faut peu pour revenir à des températures plus acceptables pour le doigt…

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Evidamment, le deuxième batch présentera une gradation alcoolique plus basse, mais cela jouera…

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Si on laisse refroidir la rémanence dans le chaudron, on ne pourra que mesurer un titre d’environ 10°. Mission accomplished. 

On reprend maintenant la recette de l’OMS et, par une « subtile » règle de trois, on calcule la quantité en glycérol et eau oxygéné qu’il faut rajouter à l’alcool. C’est des quantités assez petites, puisque le volume d’éthanol n’est que de 400 ml, une balance de précision sera dès lors indiquée. 

Juste pour l’information, l’eau oxygénée est utilisé «  pour l’inactivation de spores bactériennes potentiellement présentes dans le produit » tandis que le glycérol »est utilisé comme humectant ». 

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Une fois le mélange fait, remesurer le degré d’alcool de la solution hydroalcoolique, que doit impérativement être supérieure à 66°, idéalement 77°. Conserver dans une bouteille de plastique avec doseur comme j’ai utilisé (je fais aussi des cosmétiques à la maison), mais tout autre conteneur fera l’affaire. 

Et voilà.

PS : mon fils qui est passé chercher une petite bouteille de solution pour ses déplacements (à la maison il convient d’utiliser l’eau et le savon) m’a envoyé un message en me demandant si j’avais utilisé de la grappa pour la solution. Ça m’a fait sourir, mais quelque part il a vu juste, l’alambic dont je dispose ne me permet pas d’éliminer les divers parfums contenus dans l’alcool de départ. Ceci étant, c’est plus probable que l’odeur qu’il a perçue est celle de l’éthanol. Probablement c’est cela qui l’a frappé, plus que les aromes éventuels encore contenus dans la solution hydroalcoolique, qui, en réalité, sent comme n’importe quelle solution du commerce. 

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